Monsieur le Député,
C’est en ma qualité de Président du Syndicat de défense des propriétaires et copropriétaires Provence Côte d’Azur que je me permets de vous solliciter.
Comme vous le savez, notre association est implantée dans la région, et plus particulièrement dans la cité phocéenne, depuis plus de quarante ans. Elle compte aujourd’hui plus de 5 000 adhérents.
Parmi ceux-ci figurent des propriétaires de murs commerciaux, dont nombre sont d’anciens commerçants retraités pour lesquels le loyer perçu constitue le principal revenu.
La proposition de loi n°1961, visant à soutenir et valoriser les commerces de proximité, que vous avez déposé le mardi 14 octobre 2025, s’intéresse à la disparition des commerces de proximité dans nos communes.
Je connais votre attachement à l’économie locale, et il est certain que les petits commerces disparaissent progressivement des centres-villes et centres-villages, comme l’ont récemment déploré les maires de Bordeaux ou de Lyon.
Cette situation est également regrettée par nos adhérents propriétaires de murs commerciaux, qui voient leurs locataires donner congé ou, pire encore, déposer le bilan et entrer dans des procédures collectives longues et coûteuses.
Il est donc évident que les propriétaires bailleurs ont, tout comme les commerçants, un intérêt certain à la redynamisation des noyaux villageois de nos communes.
Cependant, il ne nous apparaît pas que certaines mesures de la proposition de loi déposée puissent avoir un impact positif sur cette dynamisation. Certaines d’entre elles risquent, au contraire, de nuire à l’équilibre nécessaire de la relation contractuelle existante dans un bail commercial.
Dans votre proposition de loi, vous prévoyez notamment la suppression de la possibilité de mettre à la charge du locataire la taxe foncière pour les baux commerciaux et professionnels.
Il convient de rappeler que la charge de la taxe foncière ne résulte pas d’une obligation légale, mais bien d’un accord entre les parties.
En effet, la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 (dite loi Pinel) et le décret n°2014-1317 du 3 novembre 2014 ont profondément modifié le régime des charges, taxes et accessoires des baux commerciaux.
Depuis cette réforme, le bailleur ne peut plus transférer au preneur l’ensemble des taxes et charges.
L’article R.145-40-2 du Code de commerce prévoit d’ailleurs que tout contrat de location doit préciser la répartition des charges, impôts et taxes entre les parties.
Ainsi, si les parties le souhaitent, la taxe foncière peut déjà rester à la charge du bailleur.
Cependant, selon les situations – notamment en fonction du montant des loyers ou des charges de copropriété –, un équilibre peut être trouvé en mettant cette taxe à la charge du preneur.
De même, l’article 3 de la proposition de loi offrirait au maire la possibilité de subordonner toute opération de cession d’un commerce au maintien d’une activité commerciale ou artisanale dite « essentielle ».
Cette disposition, qui restreint la liberté d’entreprendre et le droit de propriété, semble difficilement applicable en l’état.
Il existe déjà un dispositif de droit de préemption commercial dans les communes qui ont choisi de le mettre en œuvre.
Pour autant, cette préemption est très peu utilisée, sans doute en raison de son coût important. Cet argument ne saurait toutefois justifier de faire peser une nouvelle charge sur les propriétaires bailleurs.
Par ailleurs, l’article 1er de votre proposition de loi vise à encadrer les loyers commerciaux, selon un mécanisme similaire à celui mis en place pour les loyers d’habitation, le loyer de référence étant fixé par le préfet.
Or, il convient de souligner que l’encadrement des loyers d’habitation s’est révélé contreproductif, car il a détourné les investisseurs du marché locatif, incité certains propriétaires à moins entretenir leurs biens et contribué à raréfier l’offre.
Encadrer légalement le loyer commercial reviendrait à restreindre la liberté contractuelle, pourtant essentielle dans le cadre d’un bail commercial.
Les parties à un tel contrat
disposent déjà de la possibilité de renégocier librement le montant du loyer
pendant la durée du bail de neuf ans.
En cas de désaccord, le juge des loyers commerciaux peut fixer un nouveau montant en fonction des facteurs de commercialité.
L’instauration d’un encadrement légal romprait cet équilibre contractuel.
Encore une fois, Monsieur le Député, les propriétaires de murs commerciaux n’ont aucun intérêt à voir leurs locataires commerçants en difficulté.
Il est courant que des discussions aient lieu afin de trouver un compromis équilibré.
Cet équilibre repose sur des investissements réguliers, tant du côté des propriétaires que des locataires.
Le rompre en contraignant unilatéralement les bailleurs serait une mesure à la fois dangereuse et inefficace.
Selon nous, la redynamisation des centres-villes et des noyaux villageois doit passer avant tout par des mesures incitatives, par la mise en œuvre de projets portés par les acteurs locaux, et non par l’imposition de nouvelles contraintes au détriment des propriétaires bailleurs.
Nous restons bien entendu à votre disposition pour tout entretien.
Croyez, Monsieur le Député, en
l’expression de nos sentiments les meilleurs.